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Les Composites à Matrice Céramique (CMC) : un levier stratégique pour la souveraineté et l’excellence française

Cet ouvrage, rédigé par un ensemble d’experts des acteurs industriels et académiques français représentatifs des composites céramiques, propose des recommandations ciblées pour consolider et développer la capacité de la France à relever des défis souverains que sous-tend cette filière. Les composites à matrice céramique représentent un domaine d’excellence en raison de leurs propriétés uniques, de leur large gamme d’applications et des investissements dans la recherche et le développement qui favorisent l’innovation et l’expertise en France.

Les Composites à Matrice Céramique (CMC) : un levier stratégique pour la souveraineté et l’excellence française
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Les CMC sont des matériaux d’importance stratégique.

Seuls les pays les plus avancés sont engagés dans la course aux composites à matrice céramique. En effet, aux Etats-Unis, General Electric tire désormais massivement profit des CMC pour réduire la consommation de ses moteurs d’avion ou d’hélicoptère (LEAP, GE9X, etc.). D’autres acteurs industriels progressent dans cette direction aux USA, au Japon, au Royaume-Uni, en Allemagne…

L’industrie française, qui a été pionnière en la matière, a des atouts considérables. Cependant, il a été observé une fragilité de la filière reliant la recherche « amont » à la production et l’utilisation de ces matériaux.

Pour faire connaître les bénéfices de cette famille de matériaux, et sur la base des réflexions des experts français du domaine, ce livre blanc propose des recommandations destinées aux « Grands donneurs d’ordre », pour que la France reste un leader du domaine.

“Dans le contexte économique et géopolitique actuel, il importe d’attirer l’attention des pouvoirs publics et des décideurs dans les domaines de la recherche, de l’innovation et du soutien à l’activité industrielle et économique afin qu’ils aident à structurer efficacement la filière “CMC” pour faire face à des pays nettement plus dynamiques dans le domaine. Le simple fait d’avoir rédigé en commun ce livre blanc avec une dizaine d’acteurs différents (industriels, PME, agences, établissements publics, académiques, …) a permis de raffermir les liens de la communauté et la préparer un peu mieux à l’avenir” affirme Gérard Vignoles, professeur à l’université de Bordeaux, directeur du laboratoire des composites Thermo Structuraux et du groupement de recherche CNRS « (CMC)2 ».

Les Composites à Matrice Céramique appliqués au spatial

Ce sont des matériaux renforcés par des fibres céramiques, ce qui leur confère des propriétés exceptionnelles en termes de résistance à la chaleur, de légèreté et de résistance aux environnements extrêmes, ce qui en fait des choix idéaux pour les applications spatiales. En effet, ils sont particulièrement adaptés pour être utilisés dans les cols et divergents des tuyères d’étage de propulsion des lanceurs spatiaux.

L’emploi des CMC permet également de concevoir directement une structure chaude capable à la fois de résister aux importants flux thermiques d’une rentrée atmosphérique et de garantir la manoeuvrabilité de l’engin en conservant le profil aérodynamique. Ils peuvent ainsi protéger efficacement les composants internes de l’engin spatial contre les dommages thermiques.

En 2015, c’est avec succès que ces pièces ont été utilisés en conditions réelles de rentrée atmosphérique grâce au vol de la navette IXV (Intermediate eXperimental Vehicle) financée par l’Agence Spatiale Européenne. Cette mission a permis de collecter un ensemble de données précieuses sur les performances de la navette, les contraintes thermiques et aérodynamiques, ouvrant la voie à l’adoption de ces matériaux avancés dans d’autres projets spatiaux futurs.

Des acteurs de la décarbonation et de la diminution des impacts environnementaux dans l’aéronautique.
La plus grande production de masse de composites céramiques concerne le freinage aéronautique. Safran permet notamment à la France d’être leader sur le marché avec la production de frein carbone, équipant la plupart des puits de chaleur des avions civils et militaires.

Dans un contexte d’accroissement du trafic aérien, il est désormais nécessaire de concevoir des matériaux composites améliorés censés répondre aux futures exigences économiques et environnementales des constructeurs aéronautiques émises après les recommandations des groupes de travail ACARE (Advisory Council for Aeronautics Research and Innovation in Europe) et CORAC (Conseil pour la Recherche Aéronautique Civile) en France. Les objectifs sont de réduire de 50% le bruit perçu, de diminuer de 80% les émissions d’oxyde d’azote tout en dépassant l’objectif de réduction de la consommation de carburant de 15%, en respectant des coûts acceptables par le marché.

Pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire de réduire la masse globale des aéronefs, d’améliorer les performances moteur et réduire les besoins en refroidissement. La NASA a proposé une estimation des gains dans les prochains moteurs grâce à la céramisation des composants.

En effet, concevoir et réaliser des aubages mobiles et fixes HP et BP, d’anneaux turbines HP et une chambre de combustion en CMC pourraient conduire à une réduction globale nette de 6% de la consommation de carburant et une réduction supérieure à 33% des émissions NOx. Des recommandations qui devraient motiver la France à réaliser un investissement dans le domaine des composites céramiques afin de rester leader dans la conception et la réalisation des futurs ensembles propulsifs aéronautiques.

Les enjeux actuels et futurs favorisent donc la poursuite et l’amplification de la position de leader construite en France sur ces technologies appliquées à de nombreux secteurs tels que l’aéronautique, la défense et l’énergie.

La défense : des domaines stratégiques où les efforts doivent se maintenir pour préparer les applications et les capacités futures.

En France, les CMC ont été développés à partir des années 1980, à l’initiative de la Société Européenne de Propulsion (aujourd’hui ArianeGroup et Safran), pour alléger les moteurs des missiles balistiques de la force de dissuasion nucléaire, puis ceux des lanceurs civils comme Ariane. En effet, les applications actuelles sont soumises à des échauffements cinétiques sur la structure du vecteur et au niveau du système propulsif.

Dans le domaine de la propulsion aéronautique, les CMC seront présents dans la partie chaude des turboréacteurs qui équiperont le Next Generation Fighter (NGF) du programme européen System de combat Aérien Futur co-dirigé par la France, l’Espagne et l’Allemagne. Des nouveaux moteurs militaires emploieront ces matériaux en raison des gains de performances rendus possible par leur résistance aux températures de plus en plus élevées.

« Les plus gros volumes de production de CMC (plusieurs centaines de tonnes par an chez Safran) sont aujourd’hui les disques de frein d’avion en composites carbone-carbone, plus légers et plus sûrs. Des CMC équipent aussi la tuyère du moteur M88 du Rafale, dès son entrée en service » précise Éric Bouillon, directeur Scientifique et Expert Emérite Safran Group / Safran Ceramics.

La particularité des composites « chauds » entraine des spécificités de solution d’industrialisation, de coût, d’utilisation en raison de leurs propriétés thermiques exceptionnelles et de leur complexité de fabrication.

Penser l’avenir, prolonger et assurer la pérennité et le développement du marché des CMC pour que la France garde sa souveraineté dans le domaine

Les domaines applicatifs, où les CMC ont déjà démontré leur fort intérêt seront maintenus, voire fortement renforcés, dans des domaines stratégiques comme le domaine de la défense, la souveraineté énergétique, l’indépendance de l’accès à l’espace.

Ce secteur de l’activité représente environ 10% du CA total des matériaux composites. Depuis plus de 10 ans, le taux de croissance consolidé varie entre 8 et 10% par an.

« Il y a un très gros potentiel de croissance du marché, non seulement dans le domaine de la propulsion aéronautique – pour l’instant, seules quelques pièces des turbines sont produites ainsi mais d’ici peu il y en aura bien plus – mais aussi dans celui de l’énergie et de l’industrie lourde, où ces matériaux pourraient apporter des solutions encore non imaginées dans le cadre de la conversion des sites industriels à l’hydrogène ou à l’électricité » précise le Pr Vignoles

« Les CMC sont un fort contributeur de la décarbonation du transport aérien, par diminution de la consommation spécifique des moteurs et une diminution de masse embarquée. Ils contribuent également à la mise en oeuvre des futures exigences environnementales et apportent une désensibilisation aux minerais du conflit. En ce sens, tous les grands motoristes ont inscrit l’introduction des technologies CMC dans leur feuille de route relative aux prochaines motorisations, à l’échelle de la dizaine d’année, et cela représentera un marché de très grand volume, en complément du marché déjà occupé par le freinage aéronautique » assure Éric Bouillon.

Ce livre blanc met en exergue la réflexion approfondie et concertée d’un groupe d’experts français de la recherche académique, industriels et organismes de recherche intermédiaires sur le domaine technologique des CMC. Il met également l’accent sur l’expertise collective et les perspectives innovantes.

« L’objectif était de fédérer les forces nationales dans ce secteur d’activité confidentiel, mais très stratégique, principalement dans le domaine aérospatial et défense (pièces chaudes moteurs, missile hypervéloce, par exemple). Les perspectives sont d’enclencher des programmes structurants afin d’optimiser les efforts de recherche et technologie, de créer plus de synergies et ainsi d’accélérer les développements entre les différents acteurs » conclut Laurent Ferres, responsable du site aquitain de l’IRT Saint Exupéry et des compétences composite céramique.

Pour télécharger le livre blanc, suivez ce lien et renseignez votre adresse mail : https://www.irt-saintexupery.com/fr/livre-blanc-cmc/

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